Le constructeur automobile français DS tente une stratégie audacieuse : s’imposer comme une marque de luxe sur un marché dominé par les géants allemands. Mais dix ans après sa relance, la marque a du mal à gagner du terrain, avec des ventes européennes en baisse de 21 % cette année, à seulement 20 784 voitures. Est-ce la bonne approche ou DS est-il destiné à rester un acteur de niche ?
La vision de Carlos Tavares
En 2014, Carlos Tavares, alors PDG, a exposé la mission de DS : incarner la « touche française » dans le design automobile, en offrant sophistication et tendance comme alternative au conservatisme allemand. L’idée était de reproduire le succès de maisons de couture de luxe comme Chanel et Hermès, en créant une marque haut de gamme ancrée dans un design avant-gardiste et un service client exceptionnel.
Cependant, traduire cette vision en ventes s’est avéré difficile. La stratégie repose sur la différenciation par le style plutôt que sur la concurrence directe. Le problème ? Les acheteurs de voitures de luxe ne recherchent pas nécessairement une alternative à l’ingénierie allemande ; ils recherchent le prestige, la fiabilité et la valeur de revente.
Une décennie de lutte
Malgré le lancement du DS 7 Crossback en 2017, la marque n’a jamais dépassé les 50 000 immatriculations européennes en un an. Les ventes chinoises se sont évaporées à mesure que les marques nationales de véhicules électriques gagnent en popularité. Aujourd’hui, sous la direction de Xavier Peugeot, DS avance avec une nouvelle gamme, comprenant le crossover 100 % électrique No8, dans l’espoir de relancer l’élan.
Peugeot reconnaît la récente baisse des ventes mais insiste sur le fait que 2024 et 2025 sont des « années de transition ». Le défi est clair : dans un marché hautement concurrentiel, les marques doivent constamment renouveler leur gamme de produits pour éviter la stagnation. DS a mis du temps à innover, avec son dernier modèle entièrement nouveau – le No8 – arrivant en 2021.
La réalité du marché du luxe
L’histoire de DS met en lumière une dynamique cruciale dans l’industrie automobile. Stellantis, la société mère, gère 13 marques, dont beaucoup ont un potentiel plus fort pour des retours plus rapides. Cela crée une concurrence interne pour les investissements, obligeant DS à fonctionner avec un budget plus serré. Malgré les affirmations de rentabilité de Peugeot, la question demeure : Stellantis continuera-t-il à financer une marque qui sous-performe constamment ?
La dépendance de la marque à l’égard de l’identité française est également un facteur. Même si les consommateurs français privilégient les marques nationales, cet avantage ne se traduit pas bien à l’international. Les voitures DS conservent leurs principaux atouts – confort de conduite, technologie avancée et design avant-gardiste – mais ceux-ci ne suffisent pas pour relever les défis plus larges du marché.
Ce dont DS a besoin pour réussir
Les derniers modèles DS, comme la No8, représentent une avancée en matière de design et de technologie. La transmission électrique offre une autonomie compétitive allant jusqu’à 465 miles et l’intérieur a reçu des éloges pour sa qualité. Cependant, le succès dépend de la sensibilisation des consommateurs, de l’amélioration des valeurs de revente et de la construction d’une image de marque plus forte.
Le plus grand défi de la marque est peut-être son incapacité à se tailler une niche claire. Pendant ce temps, des concurrents comme Cupra ont prospéré en se concentrant sur un design dynamique, des performances et une population plus jeune. Le marketing agressif et l’intégration culturelle de Cupra – parrainage d’équipes sportives et organisation d’événements – ont trouvé un écho auprès des consommateurs d’une manière que DS n’a pas encore égalé.
L’avenir de DS
Xavier Peugeot insiste sur le fait que la fermeture de DS n’est « pas sur la table », invoquant sa rentabilité et l’accès limité de Stellantis au marché premium. Les trois prochaines années seront cruciales. Si DS parvient à tripler ses ventes et à devenir une force constante dans le segment du luxe, elle pourra assurer son avenir. Dans le cas contraire, le pari français sur le luxe pourrait aboutir à une nouvelle restructuration.


















